Margot est en 4ème. Un matin, en arrivant au collège, elle est percutée par une voiture. Sa vie bascule irrémédiablement. Amputée d’un pied et d’une main, elle devra apprendre à accepter ce corps mutilé, ses prothèses, le regard des autres. Est-ce en se fabriquant une armure et en éradiquant toute émotion, tel un robot, que Margot réussira à surmonter cette difficile épreuve ? Heureusement Ambre, sa meilleure amie, est là, qui veille, fervente défenseuse de l’identité et des différences. Personne n’a un corps parfait, le tout est de s’aimer tel que l’on est, peu importe ce qu’en pensent ou disent les autres.
Une histoire sur un sujet difficile : comment accepter le handicap après une amputation et ─ encore plus compliqué ─ quand on est adolescente ? L’auteure, par les mots de Margot et Ambre, les narratrices, décrit très bien les phases que traverse la jeune ado. La perte de ses membres lui fait vivre ce qu’on appelle un processus de deuil. Face à une situation insupportable, l’esprit met en œuvre des mécanismes de défense, de façon inconsciente : déni, colère, marchandage puis repli sur soi avec la prise de conscience du caractère définitif de la situation, avant d’atteindre la phase finale de l’acceptation.
Dès les premières pages, Margot nous livre ses sentiments : » Si seulement je pouvais me faire engloutir par le matelas et disparaître une bonne fois pour toutes, ce serait moins difficile que d’affronter cette vie qui m’attend ! » Elle refuse ce nouveau corps imposé, elle voudrait ne pas regarder ni nommer son « moignon » : » Je suis obligée de voir ce… truc, là « …Et encore moins le toucher.
Quand Margot préfère se forger une armure et faire taire toute émotion, seule façon pour elle de
surmonter l’épreuve, c’est un mécanisme de défense également. On voit petit à petit le processus
s’accomplir, et on comprend comment Margot est devenue un robot.
En lisant ces pages, le lecteur entre dans l’intimité de la jeune adolescente, témoin direct de ses ressentis et d’un quotidien où tout a changé. On devine aussi le poids du traumatisme pour l’entourage. Comme Margot est narratrice, on ne connaît les sentiments de ses parents que par la description qu’elle en donne, et cela sonne parfaitement juste.
La seconde voix de ce roman, c’est Ambre. Une amie au franc-parler et au soutien indéfectible, qui raconte aussi les difficultés de l’adolescence. Le lecteur connaît alternativement le point de vue de l’une puis celui de l’autre. Et finalement apparaît un point commun dans les deux récits : la question de l’estime
de soi. C’est bien de cela qu’il s’agit, au fond. L’estime de soi passe par l’acceptation de l’image corporelle, image qui va être modifiée tout au long de notre vie. Ambre doit accepter une poitrine volumineuse qui la met mal à l’aise, Margot doit réinvestir ce corps qu’elle ne reconnaît pas. L’infirmière de Margot le dit, très tôt dans le récit : » Mais c’est ton corps, tu sais. Accident ou pas, il change tout au long de ta vie, et à l’adolescence en particulier. Même s’il n’est pas parfait, tu n’en as qu’un : c’est en l’acceptant comme il est que tu pourras te sentir bien dans ta peau. «
Comment je suis devenue un robot, un livre sur le handicap mais aussi sur le rapport au corps pendant l’adolescence, avec en toile de fond une jolie histoire d’amitié.
À lire sans tarder !
À noter :
Ce livre a fait l’objet d’un travail collectif auprès d’écoliers, collégiens et lycéens, le Feuilleton des Incos. Mis en place par l’association des Incorruptibles*, le Feuilleton des Incos met en relation des auteurs et des classes. Le but est de découvrir les coulisses de la création littéraire, au moyen d’une correspondance
avec l’auteur et d’une lecture par épisodes d’un roman en cours d’écriture.
*Les Incorruptibles : Association créée en 1988 avec la collaboration de Françoise Xenakis, qui a reçu l’agrément de l’Éducation Nationale en 2013, et dont l’objectif est de susciter l’envie de lire chez les plus jeunes.