Si nous tenons depuis des années ce petit blog de littérature de jeunesse collaboratif, Le Coin lecture d’Arsène, n’est-ce pas parce que nous croyons en la force de la lecture pour créer le lien entre les personnes, d’âge, de goûts, de milieux sociaux différents ?
Est-ce déjà une forme de bibliothérapie ?
Pourrait-on aller plus loin ?
C’est ce que propose d’explorer cet ouvrage !
Je ne suis pas en manque d’exemples, dans ma profession, de pratiques de lectures variées : l’élève qui ne peut pas commencer un livre sans en avoir d’abord lu la dernière page, celui qui n’aime que les livres imaginaires (heroic fantasy, fantastique), parce que la réalité du quotidien est déjà suffisamment présente pour ne pas avoir envie de s’y replonger dans un livre, celle à la recherche du livre qui la fera -enfin- pleurer, celle qui, en classe de 3ème, découvre enfin le livre qui la transporte : « vous aviez raison, madame, si on n’aime pas lire, c’est qu’on n’a pas encore trouvé le bon livre ! »…
La lecture est en effet reconnue pour tout un tas de bienfaits, prouvés par la pratique : au-delà de l’apprentissage pur de la langue, de l’orthographe, du vocabulaire, ou de la construction d’un récit, elle est aussi un moyen de s’instruire ou de se divertir. Mais n’est-elle pas aussi un merveilleux moyen d’aide à la gestion du stress et des émotions, à la concentration, à la connaissance de soi ?
On peut ainsi diviser les livres « utilisés » en bibliothérapie en 3 catégories : les « self-help books » – ce qui entre dans la catégorie coach/développement personnel (et ce dont, personnellement je suis la moins friande et que je remplacerais volontiers par des livres de philosophie pure – la preuve en est l’ouvrage « Ils avaient tout compris, le développement personnel selon les penseurs antiques », de Nicolas Lisimachio qui est une excellente entrée en matière pour les lecteurs que d’un premier abord la philosophie pourrait effrayer), les livres de psychologie pour un travail d’introspection sur son parcours et ses antécédents familiaux, et enfin les livres de littérature (ceux qui sont abordés dans cet ouvrage et qui m’intéressent, vus mon métier et le public adolescent avec lequel je travaille). Une distinction bienvenue est faite également entre médiateur en bibliothérapie (pour un large public sans problèmes psychologiques graves avérés) et bibliothérapeute (spécifiquement pour des personnes avec troubles psychiatriques). De même, la prescription d’un titre en particulier pour guérir de maux par les mots n’est pas recommandée, ce à quoi il est préférable de proposer une sélection dans laquelle le lecteur reste libre de choisir et que l’on accompagnera ensuite dans ses ressentis.
Ce qu’essaie de montrer cet ouvrage, c’est que le livre peut soigner, non une maladie en particulier, mais plutôt être un outil de soin, en particulier en santé mentale. C’est ce que l’on nomme la bibliothérapie comportementale : « elle permet de répondre à des évolutions normales de la vie (deuil, rupture, gestion des émotions) ».
A travers de courts chapitres, en 100 points, cet ouvrage aborde de manière concise, simple et malgré tout complète ce qu’est la bibliothérapie. Mettre ses peurs à distance, s’évader ou voyager dans des lieux ou des temps différents du nôtre tout en restant immobile, stimuler l’imaginaire (c’est pourquoi à mon avis, l’on est souvent déçu par l’adaptation au cinéma d’un livre que l’on a lu avant – car c’est l’imaginaire d’un autre, en l’occurrence du réalisateur, qui nous est donné à voir), mieux se comprendre en s’identifiant à certains personnages… Plus que des injonctions, il donne des pistes pour choisir les lectures ou animer un atelier. Pour les professionnels du livre, ce petit guide permet une entrée en matière intéressante pour accompagner les lecteurs de l’enfance à l’âge adulte.
Un passeur accompagne vers l’indépendance littéraire. Même si nous pouvons influencer ses choix, seul le lecteur est maître de ses goûts, de ses envies et de sa sensibilité littéraire. Il faut le respecter.