Images de soi
Lisa rentre du collège plus tôt, elle ne rentre pas à l’heure habituelle, l’absence d’une enseignante. Elle entend ses parents parler derrière la porte. Elle écoute… Quoi ? Sa photo utilisée ? Retrouvée dans l’ordinateur d’Étienne, un ami de la famille depuis des années ? Lisa se sent salie par cette photo qu’ Étienne a apparemment retouchée dans son ordinateur, seule sa mère a pu la voir. Elle se sent aussi trahie par ses parents qui hésitent à porter plainte contre Étienne sous prétexte qu’ils feraient voler sa vie en éclat et ayant du mal à accepter la situation. Lisa n’en revient pas et décide alors de fuguer avec sa sœur, son double, Sali. Le récit prend alors des allures de road movie, une quête de soi à travers une succession d’images.
Ce court récit évoque plusieurs thématiques. Tout d’abord, c’est la question de l’image de soi qui est au centre de l’histoire, image de soi au sens large, dans la vie réelle et virtuelle soit l’identité numérique. Étienne, sympathique, rigolo, généreux, ami proche de la famille, tel un frère, s’avère être en réalité un prédateur, fréquentant les réseaux de pédopornographie. Depuis toutes ces années, qui n’aurait soupçonné que cet homme si gentil voyait les enfants comme des proies ?
Quant à la question de l’identité numérique, Lisa tente de chercher sa photo retouchée par Étienne par peur qu’elle soit publiée sur Internet et que tout le monde puisse la voir, que son image soit définitivement salie. Heureusement, elle ne trouve rien. Mais elle se sent tout de même sale lorsqu’elle imagine la photo de son visage utilisée à son insu, montée sur le corps d’une fille étant la cible de prédateurs. Lors de son périple qu’elle réalise pendant sa fugue, Lisa tente de laver son image par les nombreux selfies qu’elle prend. Car l’identité numérique figure désormais un double de soi palpable, un double de soi telle la sœur imaginaire de Lisa, Sali, avec laquelle elle fugue. Sali ne constitue pas un personnage imaginaire mais tout simplement le double numérique de Lisa, son double justement sali par Étienne qu’elle tente de nettoyer durant son périple par les clichés qu’elle capte d’elle, dans le train, à la gare, dans le bus, à Lille, etc. L’auteure utilise ce procédé pour prouver l’existence réelle d’un double de soi apparu avec le numérique, un double dépendant l’un de l’autre, vivant en parfaite adéquation.
Outre la question de l’identité numérique, Sale comme une image nous parle aussi de la relation parents-enfants. Le rôle des adultes, des parents n’est-il pas de protéger les enfants ? L’indécision des parents face aux révélations sur leur vieil ami laisse planer le doute et interroge le lecteur.
Sylvie Baussier a choisi d’aborder cette question de l’identité numérique et de l’image de soi par la problématique de la pédopornographie complétant aisément le propos principal amené par ce court roman relatif à l’image de soi. La pédopornographie est « le fait de représenter des actes d’ordre sexuel impliquant un ou plusieurs enfants ». Nous nous situons uniquement dans la représentation, dans l’utilisation d’image. Étienne n’a d’ailleurs jamais eu un comportement physique déplacé envers Lisa. L’auteure tourne son récit autour de l’image et de la représentation virtuelle.
En quelques pages, l’auteure offre une réflexion pertinente et bien menée autour de la thématique de l’image, l’image de soi et de sa représentation sur les réseaux, un récit pertinent sur l’identité numérique et le double numérique de chacun. Ce court roman, bien que sa couverture rose et son petit format puisse tenter de jeunes lecteurs, s’adresse principalement à des élèves de 3ème et des lycéens au vu de la réflexion complexe et du propos échangé. Il constitue par ailleurs un très bon outil pour réfléchir autour de l’identité numérique avec des lycéens.
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