Ottoline et le vétérinaire des monstres, de Yann Apperry – ill. Laurent Gapaillard

Même les créatures fantastiques tombent malades… Qui peut les soigner ? Quel pacte les unit au monde des humains ?

Ottoline, 11 ans et demi, finit son année de CM2… Des événements dramatiques lui ont fait redoubler son CP quelques années auparavant… Plus mature, elle se sent différente des autres élèves. Heureusement qu’elle peut compter sur son ami de toujours, Liam. Mais Ottoline n’est pas pressée d’être en vacances d’été, car, dans le château isolé où elle vit avec sa grand-tante, Eudora, autoritaire et maniaque jusqu’à la folie, et son fils, Angus, complètement dérangé, c’est la solitude et l’ennui qui l’attendent… Un monde fermé duquel elle ne peut sortir – un monde qui s’apparente pour elle à un asile de fou, adouci par la présence de Evie, domestique dévouée. Même Liam, qui habite si près deviendra inaccessible pour des semaines… Pourtant, un premier événement -une drôle de bestiole venue s’écraser sur une de ses feuilles en classe- va se rappeler à elle la nuit, lorsqu’un étrange animal entre par la fenêtre et échoue, grièvement blessé, sur le sol de sa chambre. Un animal qu’elle n’a jamais vu nulle part, et qui n’apparaît dans aucun livre… Une sorte de renard ailé, au vol de chauve souris… Après l’avoir caché dans une tour désaffectée du château, elle entreprend, en secret, de trouver un vétérinaire pour soigner la créature. On la dirige alors vers le vieux Arwanach Morrow, le vétérinaire des monstres, qui s’avère être son grand-oncle dont elle ne connaissait pas même l’existence…L’été s’annonce finalement bien différent de ce qu’elle imaginait. Bientôt, elle est embauchée comme assistante et c’est un monde fabuleux mais terriblement dangereux qu’elle découvre et qui l’attire irrémédiablement…

Tout d’abord, je remercie les éditions PKJ pour l’envoi de cet ouvrage. L’auteur Yann Apperry a déjà reçu le prix Médicis en 2000 et le prix Goncourt des lycéens en 2003. Il nous revient ici avec un livre de littérature de jeunesse exigeant qui n’est pas forcément et uniquement à destination des jeunes lecteurs, comme je le pensais. L’auteur se joue du langage, en particulier dans la description de l’ennui du quotidien d’Ottoline au château, mais surtout dans le nom des monstres dont un lexique complet est accessible en fin d’ouvrage : Bonebird ou Oisosse, sorte d’homme-oiseau mort-vivant ; Sneezapotamus ou Toussopopotame, monstre à corps de crapaud et à tête d’hippopotame qui éternue sur ses ennemis ; Jabberjelly, à forme humaine fait de gelée translucide surmonté de cornes molles contenant ses yeux… L’atmosphère étrange du château et de ses habitants rend l’univers des monstres à peine plus monstrueux que la réalité d’Ottoline à laquelle elle veut coûte que coûte échapper. Un monde de cauchemars qui se clôture sur une fête flamboyante attirant tous les dangers… Un monde de deuils où les blessures sont si vives que la tristesse envahit tout. Un livre-objet en lui-même très beau, ponctué de trop rares et très belles illustrations en noir et blanc. Une lecture particulière et originale, inclassable.

L’ennui avait déjà gagné la partie, se dit-elle comme elle entrait dans sa chambre. Une pièce si longue, si large, si haute de plafond qu’il était étrange de penser qu’un seul ennui, l’ennui d’une jeune personne, taille : 1,43 mètre, poids : 39 kilos, pouvait emplir un si vaste espace, se glissant partout, sous les couvertures du lit, entre les pages de ses livres, à l’intérieur de son armoire à vêtements (jusque dans sa panoplie de costumes et de chapeaux dénichés au grenier). L’ennui imprégnait sa collection de parfums – elle en avait trois flacons, ses trésors, et une dizaine d’échantillons – ainsi que son miroir, sa boîte à bijoux, ses cartons à puzzles, et les yeux de son fidèle Bartleby. Il était dans l’air, le parquet, les poutres, les rideaux….