La vie en bleu
J’étais super contente quand j’ai su que j’allais avoir un petit frère. Tellement mignon quand je suis allée le voir à la maternité, trop cool ! Mais ma joie fut de courte durée, je ne m’attendais pas à un frère comme ça, ou, je dois dire pas comme les autres….
Garance a 14 ans et sa vie d’adolescente est perturbée par son petit frère, Adam, autiste. Toute la famille vit au rythme des crises d’Adam. Tout le quotidien s’en trouve bouleversé, Adam demande une attention particulière qui épuise et qui isole ses proches. D’ailleurs la maman d’Adam a dû arrêter toute activité professionnelle pour s’occuper de lui.
Garance tient un journal, donc le lecteur est tout de suite imprégné de ce qu’elle ressent face à cette situation qui lui est insupportable. Par moment, elle en est presque à reprocher à son frère d’être différent car elle ne supporte plus de l’entendre crier, elle ne supporte plus l’enfer qu’il fait vivre à sa famille, elle ne supporte plus d’entendre ses parents hurler. Le premier chapitre du livre met l’accent d’ailleurs sur le mal être de Garance, sa colère, son ras-le-bol :
« je n’en peux plus, je ne veux plus entendre ses cris, je ne peux plus le supporter »
« maman je t’aime et je ne peux pas t’aider, maman ne pleure plus, ne hurle plus s’il te plait ! »
Et puis il y a Hugo, un nouveau dans la classe de Garance, qui s’aperçoit très vite que Garance est souvent seule. Lui aussi tient un journal, sa situation familiale a été chamboulée par la séparation de ses parents. Ce personnage donnera un regard extérieur sur le problème de l’autisme. Bien souvent, ce qui n’est pas connu fait peur et des jugements trop hâtifs altèrent notre vision des choses. Par moment, Hugo est maladroit bien qu’il comprenne le calvaire que vit Garance :
« je ne supporte pas les handicapés mentaux, ça me gêne quand ils sont près de moi…ça me fout la trouille »
Très vite, il est attiré par Garance mais, au début, il ne veut pas que ça se sache car il sait que la situation familiale de l’adolescente provoque des moqueries en classe. Il ne veut donc pas être la risée du collège.
Il y aussi Damien qui habite près de chez Garance et qui qualifie sa famille de folle, Adam de débile ….
On se trouve en présence de trois personnages donc de trois points de vue différents. Au fur et à mesure de l’histoire, le lecteur va voir progresser Hugo de manière positive car, petit à petit, il va apprendre ce qu’est l’autisme, il n’hésitera pas à s’informer et donc son approche sera totalement différente. Il ira même jusqu’ à affronter Damien, le réfractaire.
Ce livre met en évidence les problèmes rencontrées par les familles ayant un enfant autiste, qui se trouvent isolées, montrées du doigt. C’est un calvaire au quotidien… Face à l’autisme il faut être patient, toujours dans la répétition, avoir une énergie hors du commun. C’est fatiguant, décourageant et souvent les familles sont à bout. Pourquoi se battre, pour arriver à quoi ? L’autisme ne se guérit pas …
L’enfant autiste n’a pas d’amis, personne ne l’invite…Le handicap creuse un fossé entre les hommes. Il est source de moqueries.
Dans cette courte histoire, on ressent bien le malaise de Garance qui n’ose même pas faire venir Hugo chez elle par gêne, à cause de son frère… Mais il est à signaler que le titre est évocateur. Le frère est l’être par qui le malheur arrive mais il est néanmoins aimé car il est qualifié de « bel enfer »…
La deuxième partie du livre est consacrée à l’interview d’un neuropsychologue qui nous apporte des éclaircissements sur ce qu’est l’autisme avec en prime le nom des associations d’aide à l’autisme.
Il faut savoir également que la couverture du livre est bleue car cette couleur est symbole de l’autisme dont la journée internationale est le 2 avril.
Je me suis retrouvée dans ce livre. En tant qu’auxiliaire de vie scolaire, j’ai suivi pendant 3 ans un élève autiste qui est maintenant adulte, avec qui je suis toujours en contact. Page après page, j’ai revécu les situations auxquelles j’étais souvent confrontée : le regard des autres, les réflexions, les moqueries, l’incompréhension, la détresse de la maman qui avait arrêté de travailler. J’ai passé trois années merveilleuses, enrichissantes, intenses. J’y ai consacré beaucoup de temps, d’énergie pour que cet adolescent se sente au mieux dans son établissement scolaire, pour qu’il puisse évoluer avec les meilleures conditions et surtout pour qu’il soit accepter par les autres. Nous formions un merveilleux binôme et j’ai gagné ce pari fou de l’intégration malgré les réticences de certains adultes qui ne comprenaient pas forcément ma démarche. Pourquoi se battre avec autant d’acharnement pour un enfant dont la vie ne pouvait qu’être un échec… Comment peut- on dire ça ? Moi, auxiliaire de vie scolaire je devais laisser tomber ? J’étais avec lui mais, bon, il fallait sagement attendre que ça se passe ! Et c’est comme ça que la société évolue ? En laissant de côté les personnes différentes ? Justement non, j’ai tellement reçu en retour, quelle satisfaction quand j’ai vu son premier sourire, quand il m’a parlé, quand il a communiqué !
Pour conclure je dirais que je conseille vivement ce livre qui n’est en rien austère et qui fait comprendre tout simplement ce qu’est l’autisme à travers le journal intime de deux adolescents.
Ce roman a reçu le prix HANDILIVRES 2016 pour la jeunesse.
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